Hommage à Robert Durand
Robert Durand nous a quittés le 23 avril dernier.
Avec Robert Durand notre association perd un de ses fondateurs les plus éminents, on pourrait presque dire un père puisque c’est de son initiative, et de celle d’Alain Croix qu’est née notre association en 1987… Diffuser l’histoire sur la place nantaise, était une démarche militante et solidaire pour permettre à la ville de Nantes de connaître et d’assumer son passé, pour amener chacune et chacun à réfléchir, à éclairer par l’histoire les choix et les interrogations du présent. Une des convictions des fondateurs était que la démarche d’histoire locale et régionale était essentielle, pouvait être menée par tous, et faisait partie intégrante de la « grande histoire ». Au moment de la fondation de Nantes Histoire Robert Durand et Alain Croix en apportaient le témoignage éclatant avec les ouvrages qu’ils venaient de piloter sur Rezé pour Alain Croix et sur Saint-Sébastien1 pour Robert Durand conjointement avec Didier Guyvarc’h et François Macé.
Au moment de la fondation, il s’agissait aussi, particulièrement pour Robert Durand qui a enseigné au département d’histoire de 1967 à 1998, de laver l’honneur de l’Université de Nantes et de ses enseignants après l’affaire Roque, la soutenance scandaleuse d’une thèse qui mettait en doute l’existence des chambres à gaz.
Mais au-delà de ces circonstances, l’ambition de Robert Durand et des fondateurs que nous nous efforçons de poursuivre était plus vaste, il s’agissait d’aborder devant tous, en faisant appel aux meilleurs spécialistes, et en ouvrant la discussion, à toutes les grandes questions historiques.
Cette ouverture au monde associée à un fort enracinement local, cet engagement dans le présent associé à la connaissance savante du passé, Robert Durand les a parfaitement incarnés. Son œuvre de médiéviste a porté sur les campagnes portugaises au cœur du Moyen Âge, au 12e et 13e siècles, et il a élargi ses perspectives pour un plus vaste public en nous donnant un ouvrage de synthèse sur l’Histoire du Portugal, un autre sur Musulmans et chrétiens en Méditerranée occidentale (Xe-XIIe siècles), ou en rédigeant avec Monique Bourin un beau livre intitulé Vivre au village au Moyen Âge. Les solidarités paysannes du 11e au 13e siècle.
Comme le remarque Monique Bourin, on peut dire que ce beau mot de solidarité convient particulièrement bien pour parler de Robert Durand. Solidarité qui l’animait dans ses démarches citoyennes, lui qui a exercé pendant une longue période des responsabilités municipales à Saint-Sébastien. Esprit de solidarité qu’on retrouvait dans les charges universitaires qu’il a longtemps assumées, sans y prendre goût, mais pour servir la maison et tout particulièrement la jeunesse, les étudiants. Solidarité avec la génération enseignante qui le suivait comme peut en témoigner Philippe Josserand qui a préparé sa thèse avec Robert Durand avant d’exercer ces dernières années la présidence de Nantes-Histoire. Et, bien sûr, cet esprit de solidarité qui animait Robert Durand s’incarne pleinement dans l’impulsion donnée à notre association, dans l’esprit d’éducation populaire qui l’inspire.
Je crois aussi qu’on peut parler pour Robert Durand d’une solidarité, d’affinités électives, avec ce monde rural dont, comme nombre d’entre nous, il venait, lui qui était né le 6 février 1936 à Saint-Mesmin en Vendée. Solidarité avec les gens du peuple des campagnes et en même temps amour de la nature tant pour les randonnées sportives que pour le lien avec le monde animal.
Arrivé au département d’histoire de Nantes en 1989 le signataire de ces lignes a eu la chance d’être pendant 10 ans le collègue de Robert Durand et c’est lui qui l’avait invité à faire sa première intervention à Nantes Histoire. C’était le directeur de notre UFR, qui tenait la barque et s’efforçait de garder le bon cap contre vents et marées, un homme réfléchi, presque un peu réservé, sans paroles inutiles, mais on sentait derrière sa sobriété une grande profondeur, une grande chaleur humaine. Il était quelqu’un qui ne se mettait pas en avant, il avait une grande modestie malgré toutes les responsabilités assumées et l’œuvre qu’il a accomplie comme créateur et comme diffuseur de l’histoire. Et il me semble qu’il est d’autant plus important d’en parler à tous, d’évoquer son souvenir en disant notre affection, et de garder sa mémoire.
L’association Nantes-Histoire présente ses condoléances à sa famille et à tous ses proches.
Rémi Fabre
1 Du village à la cité-jardin. Saint-Sébastien-sur-Loire depuis ses origines, écrit en 1986
Les prochains événements…
Assemblée générale de l’association le lundi 5 juin à 18h en Amphi 9
Une nouveauté : les conférences Junior !
Des jeunes chercheurs masterants et post-masterants sont invités par Nantes-Histoire pour venir présenter leurs recherches sur l’histoire des femmes. Leurs communications se dérouleront de 17h15 à 17h45, dans un amphi du Pôle Santé, et serviront d’ouverture à certaines conférences au cours de l’année. Elles sont gratuites et ouvertes à tous.
Actualités historiques
Nous sommes heureux de vous présenter le projet mené par 3 étudiant(e)s en partenariat avec Nantes-Histoire
Le 9 juin 2023 à 19h aux Archives départementales
Un podcast sur l’histoire des femmes et des féminismes en Europe du Sud-Est
Nos objectifs : l’histoire citoyenne, l’histoire partagée
Créée en 1987, Nantes-Histoire est une association qui travaille à promouvoir une histoire citoyenne. Tout en prenant en compte la dimension locale, elle se veut généraliste, dans la plus grande variété des sujets, des périodes historiques, des échelles géographiques. Les lumières qu’apporte l’histoire peuvent et doivent servir à éclairer les problèmes d’aujourd’hui et nos engagements dans la cité.
Profondément ancrée à Nantes et alentours, en même temps qu’ouverte sur le monde, notre association a pour objectifs de répondre au désir d’histoire qui existe chez beaucoup de nos concitoyens et de le susciter. Nous nous situons dans la grande tradition républicaine des Universités populaires du début du XXe siècle et des mouvements d’éducation populaire de la Libération, tout en nous préoccupant de renouveler cette tradition et d’être pleinement en phase avec notre temps.
Si l’acquisition des connaissances historiques est le fruit d’un effort de recherche exigeant, et si la parole des spécialistes constitue une base indispensable, l’interprétation de ces données est l’affaire de chacun et de tous. L’histoire telle que nous la concevons s’appuie sur la pluralité des voix et des interprétations, aux antipodes des certitudes dogmatiques. Le temps du débat constitue ainsi un moment essentiel à la fin de nos conférences et nous entendons le prolonger sur notre site.
Éclairer le présent par le passé, être attentif aux différences et aux changements autant qu’aux ressemblances et aux continuités, tels sont les principes de notre association.