Thème des cours publics 2019-2020

« Histoire(s) de l’Afrique »

Ce cycle de 13 conférences a l’ambition d’aborder l’Afrique sur la longue durée, dans la diversité de ses trajectoires historiques, pour elle-même et dans les relations qu’elle a toujours entretenues avec d’autres espaces, atlantique, méditerranéen et asiatique.
Les interventions de spécialistes reconnus, adeptes d’une histoire renouvelée et décentrée du continent africain, veilleront à varier les échelles et à fournir un large panorama des événements et des problématiques qui ont forgé, au fil des siècles, l’Afrique contemporaine.
Les questions les plus actuelles feront l’objet de plusieurs conférences, afin d’expliquer en quoi l’avenir du monde se joue aujourd’hui largement en Afrique.
Étant donné l’ampleur et la richesse du sujet, les conférences porteront essentiellement sur l’Afrique subsaharienne.

Des conférences ou débats hors programme, centrés sur des parutions récentes, seront également proposés.

Programme

* 7 octobre 2019, Pierre de Maret, Professeur d’archéologie et d’anthropologie à l’Université Libre de Bruxelles. Membre de l’Académie Royale de Belgique.
Titre de l’intervention : « Aux origines des grands royaumes de l’Afrique centrale. Le pouvoir et ses symboles ».

Résumé
L’Afrique centrale a vu fleurir dans le passé des royaumes fameux. En l’absence quasi complète de sources écrites avant le XIXe siècle, seules l’archéologie et la linguistique permettent d’éclairer leurs histoires. Ces royaumes ont cependant des caractéristiques bien différentes des royaumes européens de la même époque. Il faut donc être conscient de leurs spécificités et de la nature très particulière du pouvoir de leurs souverains pour tenter d’appréhender les traces qu’ils ont laissées. Dans cette perspective, l’attention se porte surtout sur les regalia, symboles matériels du pouvoir.
Ainsi pour le grand royaume Luba qui exercera son influence sur un territoire supérieur la France, les fouilles, qui ont livré l’une des plus importante séquence archéologique de toute l’Afrique subsaharienne, indiquent qu’il plonge ses racines dans un passé millénaire. Pour le royaume Kongo, découvert par les Portugais à la fin du XVe siècle, on dispose d’une documentation exceptionnelle qui permet d’éclairer l’histoire de ce qui restera longtemps le seul royaume catholique hors Europe.

Bibliographie indicative

Balandier, G. 1965. La vie quotidienne au royaume de Kongo du XVIe au XVIIIe siècle. Paris: Hachette.
Clist, B., de Maret, P. et Bostoen, K. (eds), 2018. Une archéologie des provinces septentrionales du royaume Kongo. Oxford: Archeopress.
de Maret, P. 1992. Fouilles archéologiques dans la vallée du Haut-Lualaba, Zaïre – III. Kamilamba, Kikulu et Malemba-Nkulu, 1975. Tervuren: Annales du Musée Royal de l’Afrique Centrale.
de Maret, P. 2011. “Chapter 66: Divine Kings”. In T. Insoll (ed.), The Oxford Handbook of the Archaeology of Ritual and Religion (p.1059-67). Oxford: Oxford University Press.
de Maret, P. 2012. From kinship to kingship: an African journey into complexity, Azania: Archaeological Research in Africa 47 (3): 314-26. http://dx.doi.org/10.1080/0067270X.2012.708989
de Maret, P. 2018. « Chapitre 11 : Les royaumes Kongo et Luba, cultures et sociétés dans le bassin du Congo (jusqu’au XVIIe siècle) ». In F.-X. Fauvelle (éd.) L’Afrique ancienne. De l’Acacus au Zimbabwe. 20000 avant notre ère-XVIIe siècle (p.311-341). Paris: Belin.

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14 octobre, en hors programme, Philippe Josserand (Maître de conférences en histoire médiévale, Université de Nantes, CRHIA) présentera son ouvrage Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers (à paraître aux Belles Lettres en septembre 2019). Cette présentation prendra la forme d’un entretien avec Un entretien avec Rubén Constant et Jérôme Wilgaux.

Résumé :

Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers

Aujourd’hui encore, Jacques de Molay fascine. Parmi les vingt-trois grands-maîtres qui se sont succédé à la tête de l’ordre du Temple entre 1120 et 1312, il est sans doute le seul dont le public intéressé par l’histoire conserve la mémoire. Les Rois maudits de Maurice Druon l’ont immortalisé et le Da Vinci Code ou Assassin’s Creed ont répandu son nom dans le monde entier. Pourtant, s’il est ancré dans le mythe, Jacques de Molay reste un inconnu célèbre, d’ordinaire déprécié, dont on ignore les dates essentielles de la vie – sa naissance, son élection ou même sa mort. Les traces de son action, toutefois, son loin d’être indigentes. Ce sont ces sources, étudiées à nouveaux frais, qui, pour la première fois, offrent au grand-maître de sortir de l’ombre. Trois parties structurent le livre. La première traite des images du dignitaire, révélant comment, à partir du début du xixe siècle, un archétype du héros tragique s’est mis en place. La seconde, par-delà le personnage, s’attache à l’homme et analyse son parcours pour établir la façon dont il s’est élevé jusqu’au sommet du Temple au sort duquel, de la Terre sainte aux geôles de Philippe le Bel, il s’est identifié. Les engagements de Jacques de Molay, enfin, sont au cœur de la troisième partie. Le soutien à l’Orient latin et la défense de son institution, qu’il s’est efforcé d’adapter au mieux à une conjoncture lourde de périls, ont été les priorités d’un homme ferme et entreprenant, loin de l’incapable que trop d’auteurs décrivent. Ainsi, jusque dans la tourmente du procès du Temple, il a cherché à parer au risque, à sauvegarder son ordre et, une fois résolue puis arrêtée la perte de celui-ci, à en préserver la mémoire face aux juges et à la mort – ceci au prix du sacrifice de sa vie dont la postérité l’a vengé en y trouvant, au fil des siècles, l’assurance croissante du martyre.

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* 4 novembre, António de Almeida Mendes,  Maître de conférences en histoire moderne, Université de Nantes, CRHIA.

Historien spécialiste de l’esclavage et des traites négrières de la première modernité (du xive au xvie siècle) et de l’histoire du premier Atlantique, Antonio de Almeida Mendes est maître de conférences à l’Université de Nantes, membre fondateur du Centre international de recherches sur les esclavages, membre du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique. Il a notamment publié Les Traites et les Esclavages : perspectives historiques et contemporaines (Karthala, 2010) et Chronologix. Une histoire de l’esclavage (Les Arènes, 2019).

Titre de l’intervention : « L’empire portugais et l’Afrique : cinq siècles d’histoire. » 

Dans son roman le Radeau de Pierre (Jangada de pedra, 1986) l’écrivain José Saramago imagine une péninsule Ibérique qui tel un navire à la dérive se détacherait du continent européen pour retrouver ses origines : l’Afrique. Réévaluer les liens historiques particuliers qui unissent le Portugal au continent africain revient à porter un regard neuf et critique sur cinq siècles d’une histoire en partage entre deux continents, l’Europe et l’Afrique, depuis l’époque de l’expansion outre-mer des XVe-XVIe siècles jusqu’aux indépendances des années 1975.

Pour aller plus loin :

Francisco BETHENCOURT et Luiz Felipe de ALENCASTRO, L’empire portugais face aux autres empires, XVI-XIX siècle, Paris, Maisonneuve & Larose, 2007.

Armelle ENDERS, Histoire de l’Afrique lusophone, Paris, éditions Chandeigne, 2013.

Jean-François LABOURDETTE, histoire du Portugal, Paris, le grand livre du mois, 2000.

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* 18 novembre, Bernard Michon, Maître de conférences en histoire moderne, Université de Nantes, CRHIA.

Bernard Michon, maître de conférences en histoire moderne à l’université de Nantes, est membre du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA, EA 1163). Ses recherches portent sur l’histoire des ports de commerce français et européens aux xviie et xviiie siècles. Il a notamment publié Le Port de Nantes au xviiie siècle, Construction d’une aire portuaire, aux Presses universitaires de Rennes (2011), et dirigé avec Éric Saunier le 7e  numéro de la Revue du Philanthrope, intitulé « Les ports négriers et les mémoires de la traite et de l’esclavage », aux Presses universitaires de Rouen et du Havre (2018).


Titre de l’intervention : « L’impact des traites des Noirs sur le continent africain »

Cette intervention vise à évaluer les conséquences des traites des Noirs subies par le continent africain. Ce sujet, d’une grande ampleur tant géographique que chronologique, est également l’objet de nombreuses polémiques. Le propos abordera successivement les effets des traites, d’abord sur la démographique du continent, puis sur sa géopolitique, enfin sur son économie et sa société.

Bibliographie :
– Jacques Brasseul, Histoire économique de l’Afrique tropicale, Paris, Armand Colin, Coll. U, 2016, 366 p.
– Catherine Coquery-Vidrovitch, Les Routes de l’esclavage. Histoire des traites africaines, VIe-XXe siècle, Paris, Albin Michel, 2018, 288 p.
– Paul Lovejoy, Une histoire de l’esclavage en Afrique. Mutations et transformations (XIVe-XXe siècles), Paris, Karthala, 2017, 442 p.

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* 25 novembre, Samuel Sanchez, Maître de conférences en histoire de l’Afrique contemporaine, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Titre  de l’intervention : « MADAGASCAR DANS LES MONDIALISATIONS DE L’OCÉAN INDIEN, DES ROYAUMES MALGACHES AU GOUVERNEMENT COLONIAL (XIXE SIÈCLE – DÉBUT XX SIÈCLE).

Samuel F. Sanchez est maître de conférences en histoire contemporaine (Institut des Mondes Africains – Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne). Ses recherches portent sur l’histoire économique et sociale de l’océan Indien et de Madagascar. Il vient de codiriger (avec Isabelle Surun et Lancelot Arzel), un dossier sur les souverainetés africaines dans la Revue d’Histoire du XIXe siècle. Sa thèse : Le long XIXe siècle de Nosy Be et de la baie d’Ampasindava (Nord-Ouest de Madagascar). Dynamiques malgaches et mondialisations dans un comptoir du Sud-Ouest de l’océan Indien, est en cours de publication.

Résumé:

Au cours du long XIXe siècle, les sociétés de l’océan Indien occidental sont profondément transformées par l’accélération et la diversification des échanges mondiaux. A travers le cas de Madagascar, il s’agira d’envisager, sur une période longue passant au-delà du hiatus précolonial/colonial, comment les sociétés se
sont refondées, glissant d’une insertion dans le monde de l’océan Indien à un nouveau marché global, polarisé par l’Europe et l’Amérique industrielles. Les réseaux économiques, les constructions politiques, les villes, sont durablement affectés par l’établissement de ces connexions nouvelles, renouvellant des sociétés intégrées, à partir de 1895, dans les cadres administratifs de l’Empire français.

Campbell G., An Economic History of Imperial Madagascar, 1750-1895. The Rise and Fall of an Island Empire_, African Studies, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, 413 p.
Larson P., History and Memory in The Age of Enslavement. Becoming Merina in Highland Madagascar, 1770-1822, James Currey, Oxford, 2000, 414p.
Sanchez S. F., « État marchand et État agraire dans l’océan Indien occidental : le sultanat de Zanzibar et le royaume de Madagascar au XIXe siècle », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 128, 2015, p.37-57
Raison F., Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe siècle, Invention d’une identité chrétienne et construction de l’État, Paris, Karthala, 1991, 840 p.

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* 2 décembre, Camille Lefebvre, chargée de recherches HDR au CNRS, Institut des mondes africains
Titre de l’intervention : « La fabrique des frontières africaines »

Chargée de recherches au CNRS, Camille Lefebvre est une spécialiste de l’histoire du Sahel et du Sahara central (Niger, Nord Nigeria, Sud libyen et algérien), aux 18e-20e siècles. À ce titre, elle a notamment travaillé sur la thématique des territoires et des frontières, et ainsi publié Frontières de sable, frontières de papier. Histoire de territoires et de frontières, du Jihad de Sokoto à la colonisation française du Niger, XIXe – XXe siècles, Paris, Publication de la Sorbonne, 2015.

Résumé : Les frontières africaines sont-elles les cicatrices de la violence des impérialismes étrangers en Afrique ? Ce lieu commun du partage de l’Afrique par les puissances coloniales a la vie dure. Mais, en cherchant à dénoncer l’arbitraire colonial, il réduit les configurations territoriales africaines à de simples conséquences de la domination européenne et fait des populations africaines des spectateurs passifs de leur propre histoire. Aux antipodes de cette analyse, cet ouvrage propose pour la première fois une histoire longue de la constitution des frontières d’un État africain – le Niger – englobant dans un même regard un siècle d’histoire antérieure à la colonisation et soixante ans de domination coloniale. Cet ouvrage raconte une histoire paradoxale, celle d’une poignée de militaires coloniaux, qui au début du XXe siècle instituent dans les plus grandes difficultés un gouvernement précaire qui s’appuie très largement sur les organisations politiques et territoriales locales et qui, ce faisant, contribuent à la fois à les vider de leur sens et à amoindrir leur importance. Les frontières alors mises en place sont dans leur grande majorité le reflet des dynamiques historiques internes du Soudan central au XIXe siècle. Pourtant l’histoire de leur tracé a contribué à construire le grand récit d’Européens maîtres du jeu imposant sans considération le partage du monde

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* 16 décembre, en hors programme, une conférence de John Tolan (professeur d’histoire médiévale à l’Université de Nantes) à propos de son dernier ouvrage, Mahomet l’européen: Histoire des représentations du Prophète en Occident (Albin Michel, 2018).

Formé à Yale (BA en lettres classiques), à Chicago (Master & PhD en histoire), puis à l’EHESS (HDR), John Tolan est professeur d’histoire à l’Université de Nantes, membre de l’Academia Europæa et resposable du programme européen « The European Qur’an » (euqu.eu).  Historien du monde méditerranéen médiéval, il est auteur de nombreux articles et ouvrages, dont Les Sarrasins (Flammarion/Aubier 2003), Le Saint chez le sultan (Le Seuil 2007), L’Europe latine et le monde arabe au Moyen Age (Presses Universitaires de Rennes 2009) et Mahomet l’européen : une histoire des représentations du Prophète en Occident (Albin Michel 2018).

L’épisode des caricatures de Mahomet s’inscrit dans un faisceau d’évènements au cours des siècles où le Prophète de l’islam fut considéré par les Européens comme un charlatan, un hérésiarque, voire la figure de l’Antéchrist.
Pourtant, l’histoire atteste aussi d’une admiration envers ce personnage qui devient objet de fascination et d’inspiration pour des auteurs tels Goethe ou Lamartine. Les théologiens ne sont pas en reste, et ils peuvent tenir, selon les époques et les perspectives, des avis très discordants.
Alors que ce sont, tout d’abord, les peurs de la Chrétienté qui se cristallisent dans les portraits de Mahomet, celui-ci deviendra pourtant au fil des siècles un objet de fascination, comme chez Goethe ou Lamartine. De même certains théologiens le tiendront pour un grand réformateur, et il sera admiré par Napoléon. Tantôt vilipendé, tantôt glorifié, Mahomet est un adversaire ou un allié toujours profitable, instrumentalisé par les Européens depuis des siècles dans leurs polémiques internes. Ainsi éclairé, il devient une figure incontournable pour comprendre comment l’Europe s’est construite.

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* 6 janvier 2020. Amphi Kernéis, 1 rue Bias
Stanislas Jeannesson, « La conquête de l’Éthiopie (1935-1941), guerre coloniale, guerre fasciste. »

Résumé : Lorsque commence la guerre italo-éthiopienne, le 3 octobre 1935, l’Éthiopie, membre de la Société des nations depuis 1923, est avec le Liberia, le seul État d’Afrique à avoir échappé à la colonisation. Ce conflit n’est pas seulement une guerre de conquête coloniale, à contretemps des impérialismes européens. C’est aussi, du côté italien, une guerre totale, d’une extrême violence, menée à des fins politiques et idéologiques : une guerre fasciste, sont les terribles effets se font sentir sur les populations éthiopiennes bien au-delà de la victoire italienne (en mai 1936) et de la fin de l’occupation (1941). Nous évoquerons enfin les conséquences internationales du conflit et son impact, notamment en Afrique et auprès des populations noires du continent américain.

Stanislas Jeannesson est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Nantes, membre du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA) et membre du Conseil d’administration de Nantes-histoire. Historien des relations internationales, ses recherches portent sur la politique étrangère de la France au premier XXe siècle et sur les fonctions, pratiques et acteurs des diplomaties contemporaines. Parmi ses publications récentes :
– Atlas de la guerre froide (avec Sabine Dullin), Paris, Autrement, 2017.
– Jacques Seydoux (1870-1929), diplomate, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2013.
– Le système international face aux guerres civiles au XXe siècle (dir. avec Michel Catala), Relations internationales, n° 175 et 176, 2018.
– Experts et expertises en diplomatie. La mobilisation des compétences dans les relations internationales, du congrès de Westphalie à la naissance de l’ONU (dir. avec Éric Schnakenbourg et Fabrice Jesné), Rennes, PUR, 2018.

*13 janvier 2020.  Amphi 400, faculté de Pharmacie, 9 rue Bias
Exceptionnellement, la conférence débutera à 18h, l’amphithéâtre devant être libéré pour 19h30.

Marie-Luce Desgrandschamps – Docteur en histoire contemporaine, chargée d’enseignement – Université de Genève
« L’Afrique comme terrain de l’aide humanitaire: enjeux, pratiques, représentations »

Présentation:
Marie-Luce Desgrandchamps est chargée d’enseignement au département d’histoire générale de l’Université de Genève. Ses recherches portent sur l’histoire de l’aide humanitaire, des ONG et des organisations internationales, plus particulièrement dans leurs relations avec le continent africain. En 2018, elle a publié L’humanitaire en guerre civile. La crise du Biafra (1967-1970) aux Presses universitaires de Rennes.

Résumé : Au cours du XXe siècle, le continent africain devient l’un des principaux terrains de l’action humanitaire, s’installant dans les représentations collectives occidentales comme étroitement et durablement associé à l’idée même d’« humanitaire ». Le propos abordera les racines coloniales de ce processus, puis se penchera plus spécifiquement sur l’un de ses jalons essentiels, le conflit du Biafra. Il s’agira ainsi de montrer comment l’humanitaire est progressivement devenu un élément fondamental des relations entre l’Afrique subsaharienne postcoloniale et le monde occidental, tout en soulignant les enjeux politiques et symboliques de cette évolution.

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*20 janvier 2020. Amphi Kernéis, 1 rue Bias ; début de la conférence à 18h15
Pap Ndiaye – Professeur des universités – Institut d’études politiques de Paris
« Les Noirs américains et l’Afrique dans les années 1950 et 1960 »

Résumé de la conférence : L’intérêt des Noirs américains pour l’Afrique s’est accru au cours du 20e siècle, pour culminer dans les années 1950 et 1960, au moment des décolonisations et des indépendances. C’est alors que des intellectuels et militants des droits civiques comme W. E. B. Du Bois, Richard Wright, Malcom X, et bien d’autres, voyageaient, séjournaient en Afrique, pour répondre à la question formulée dès 1925 par le poète africain-américain Countee Cullen : « what is Africa to me? » (« qu’est-ce que l’Afrique pour moi ? »). Cette conférence a pour objet de présenter et analyser ces voyages, leurs motivations, les espoirs qui les sous-tendaient. Les années 1950 et 1960 feront l’objet d’une attention particulière, mais cette période sera placée dans le temps long, du début du 20e siècle à aujourd’hui.

Pap Ndiaye est historien, professeur des universités à Sciences Po Paris. Il est spécialiste d’histoire sociale des Etats-Unis, particulièrement d’histoire africaine-américaine.
Il a récemment été conseiller scientifique de l’exposition « Le Modèle noir » au musée d’Orsay (et co-auteur du catalogue Le Modèle noir, et Le Modèle noir. Chronologie, Paris, Flammarion, 2019).

Bibliographie :
Joshua Bloom and Waldo Martin, Black Against Empire: The History and Politics of the Black Panther Party, Berkeley, University of California Press, 2016.
James Campbell, Middle Passages: African American Journeys to Africa (1787-2005), New York, Penguin Books, 2007.
Kevin Gaines, American Africans in Ghana: Black Expatriates and the Civil Rights Era, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2008.
James Meriwether, Proudly we can be Africans: Black Americans and Africa, 1935-1961, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002.
Barack Obama, Dreams from my Father, New York, Times Books, 1995.
Andrew Zimmerman, Alabama in Africa: Booker T. Washington, the German Empire and the Globalization of the New South, Princeton, Princeton University Press, 2012.

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* 27 janvier, en hors programme, au Salon Mauduit, une conférence/débat autour de l’ouvrage de Mathilde Larrère, Laurence De Cock et Guillaume Mazeau, un ouvrage consacré à l’enseignement de l’histoire (L’histoire comme émancipation, Agone, 2019).

Mathilde Larrère. Historienne des révolutions et de la citoyenneté au XIXe siècle, enseignante-chercheuse à l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée, Mathilde Larrère est également chroniqueuse pour « Arrêt sur image » et détricoteuse sur Médiapart. Elle a écrit entre autres Révolutions. Quand les peuples font l’histoire (avec Vincent Lemire, Belin, 2017), L’urne et le fusil : La garde nationale parisienne de 1830 à 1848 (PUF, 2016) et coécrit avec Aude Loriaux Des intrus en politique (éditions du Détour, 2018).

Présentation de l’ouvrage : L’histoire comme émancipation (Agone, 2019)
Histrions de la cour des princes et éditorialistes de gouvernement clament que l’étude de l’histoire doit transmettre l’amour de la nation. Ils s’entendent sur­ tout pour fustiger les universitaires qui n’endossent pas cette mission. Mais si l’histoire ne doit pas, en effet, rester cantonnée dans les laboratoires et si les historiens doivent diffuser le fruit de leurs travaux, c’est parce qu’ils relèvent d’un service public. Et la recherche historique n’a jamais cessé d’être créative, inventive, parfois engagée. C’est en référence à cette tradition et ce potentiel que nous voulons réhabiliter le concept d’« émancipation ».
Il faut regagner du terrain sur celles et ceux qui confondent histoire et propagande haineuse, histoire et hagiographie. Il est temps de replacer l’histoire dans la lutte contre les dominations et de se débarrasser du fatalisme qui nourrit le conservatisme réac­tionnaire. Dans cette perspective, l’histoire a son rôle à jouer. Parce qu’elle fissure les noyaux de certitude, à gauche comme à droite. Parce qu’elle rappelle que l’émancipation se nourrit des actions solidaires des hommes et des femmes du passé.

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* 3 février, Amphi Kernéis, Marie-Laure Derat, historienne, directrice de recherche au CNRS (UMR 8167 Orient et Méditerranée), rédactrice en chef de la revue Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire.
Titre de l’intervention : « Traces textuelles et matérielles du royaume chrétien d’Ethiopie entre le XIe et le XVe siècle. »

résumé : Comment approcher l’histoire du royaume chrétien d’Ethiopie, après le déclin du royaume d’Aksum (au VIIe siècle) et le repli apparent de cet Etat auparavant tourné vers le commerce en mer Rouge, connecté aux grandes voies des échanges entre Méditerranée et océan Indien ? La culture manuscrite éthiopienne, étroitement associée à la diffusion du christianisme, est l’une des voies d’entrée dans cette histoire, qui permet de retracer la renaissance de l’Etat éthiopien au XIe siècle. Les églises essaimées sur le territoire, bâties ou taillées dans la roche, témoignent également de l’emprise du royaume et du patronage royal. En croisant textes, monuments et autres traces matérielles, on peut ainsi saisir des histoires du royaume chrétien d’Ethiopie jusqu’à la fin du XVe siècle. Au cours de la conférence, seront abordées les questions de la reine de Saba et du roi Salomon, de l’identification du roi éthiopien avec le Prêtre Jean des Indes, des églises de Lalibela et de la dynastie des saints-rois Zagwé.

Marie-Laure Derat est historienne, directrice de recherche au CNRS, membre du laboratoire Orient et Méditerranée. Spécialiste de l’Ethiopie chrétienne au Moyen-Âge, elle dirige depuis 2008 la mission historique et archéologique française à Lalibela (un complexe d’églises taillées dans la roche, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO). Elle s’intéresse tout particulièrement à la dynastie des rois Zagwé,, à laquelle on attribue notamment la fondation du site de Lalibela. Elle vient de publier L’énigme d’une dynastie sainte et usurpatrice dans le royaume chrétien d’Éthiopie (XIe-XIIIe siècle), Turnhout, Brepols, 2018, et avec Claire Bosc-Tiessé, Lalibela, site rupestre chrétien d’Éthiopie, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 2019. Elle est par ailleurs rédactrice en chef de la revue électronique Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire https://journals.openedition.org/afriques/

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* 10 février, Amphi Kernéis, Thomas Renard, Maître de conférences en histoire de l’art contemporain, Université de Nantes
Titre de l’intervention : « Du primitivisme à la restitution, évolution du regard occidental sur les œuvres d’art africaines »

Thomas Renard est maître de conférences en histoire de l’art à l’université de Nantes, rattaché au Laboratoire d’Archéologie et d’Architecture, UMR 6566 CReAAH. Ses recherches portent sur l’histoire de l’architecture, de l’urbanisme et du patrimoine à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Il a notamment travaillé sur la construction identitaire de l’Italie et le mythe de Dante et fait paraître en 2019 aux Presses universitaires de Rennes : DantomaniaRestauration architecturale et construction de l’unité italienne (1961-1921). Il travaille également sur les expositions nationales et internationales organisées en France en dehors de Paris dans lesquelles ont été présentés de très nombreux artefacts africains.

Résumé de la conférence:
Le discours prononcé par Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou en 2017 puis la publication du rapport Sarr-Savoy sur la restitution des oeuvres d’art africaines l’année suivante ont constitué un véritable séisme pour le monde des musées, dont les répercussions ne cessent de se faire sentir bien au-delà des frontières françaises. Nous sommes sans conteste dans une période de transformation du regard porté sur ces objets produits en Afrique subsaharienne qui peuplent les vitrines des musées européens.
Pour tenter de mieux comprendre les enjeux actuels, nous tâcherons de retracer l’histoire de la réception européenne des artefacts rapportés d’Afrique. Cette conférence s’attachera notamment à comprendre comment ces objets, dont on a d’abord considéré qu’ils relevaient de l’ethnographie, se sont vus attribuer le statut d’oeuvre d’art en lien avec l’apparition des concepts d’art moderne et de « primitivisme ».

Bibliographie
Biro Yaëlle, Fabriquer le regard, Marchands, réseaux et objets d’art africains à l’aube du xxe siècle, Dijon, Les Presses du réel, 2018
Murphy Maureen, De l’imaginaire au musée, Les arts d’Afrique à Paris et à New York (1931-2006), Dijon, Les Presses du réel, 2009.
Rubin William (dir.) Le primitivisme dans l’art du xxe siècle. Les artistes modernes devant l’art tribal, Flammarion, 1987.
Sarr Felwine et Bénédicte Savoy, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, Novembre 2018. < http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_fr.pdf >
Sherman Daniel J., Le primitivisme en France et les fins d’empires (1945-1975), Dijon, Les Presses du réel, 2018.

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* 2 mars 2020, Catherine Blondeau, directrice du Grand T, théâtre de Loire-Atlantique à Nantes, ex-directrice de l’Institut Français d’Afrique du Sud à Johannesburg (1998-2002).
Titre de l’intervention : « Une expérience sud-africaine : du vécu à sa traduction romanesque. »

Amphi Kernéis, 18h15

Catherine Blondeau dirige Le Grand T, théâtre de Loire-Atlantique à Nantes, depuis 2011. Entre 1998 et 2002, elle a vécu à Johannesburg, où elle dirigeait l’Institut Français d’Afrique du Sud. Elle a aussi été attachée culturelle à Varsovie (2002-2006), et Maitre de Conférences à l’Université de Rouen, où elle enseignait les littératures africaines et caribéennes de langue française et les arts du spectacle, tout en agissant comme conseillère artistique du festival Automne en Normandie. Elle vient de publier son premier roman, Débutants (éditions Mémoire d’Encrier 2019).

Titre de l’intervention : « une expérience Sud-Africaine, du vécu à sa traduction romanesque ».
Catherine Blondeau n’est pas historienne. Elle exposera comment les quatre années où elle a vécu à Johannesburg (1998- 2002), juste après l’élection de Mandela à la présidence de la toute jeune République d’Afrique du Sud, l’ont complètement transformée. Elle cherchera les raisons de la puissance de cette expérience sud-africaine : décentrement radical, changement de point de vue sur l’histoire du monde, perplexité devant la complexité méconnue de la société sud-africaine, nation arc-en-ciel et épineuse question des races, violence des traces de l’Apartheid dans la société contemporaine, mythologie de la libération et critique de la Truth and Reconciliation commission, richesse du corpus rupestre et vivacité de la compétition pour les origines. Elle fera le lien entre le choc que fut pour elle l’immersion sud-africaine et l’écriture de Débutants, roman qui met en scène un éminent archéologue sud-africain noir dont le père, un combattant de la liberté, a disparu pendant les pires années de la répression. Ce roman, qu’elle a mis dix ans à écrire, l’a conduite à retourner régulièrement sur son « terrain » sud-africain pour des enquêtes historiques et sensibles.

Pour aller plus loin
FX Fauvelle, Histoire de l’Afrique du Sud, Seuil 2006
FX Fauvelle, François Bon, Jean-Loïc Le Quellec, Vol de vaches à Christol Cave, publication de la Sorbonne 2009
FX Fauvelle, A la recherche du sauvage idéal, Seuil 2017
FX Fauvelle, Trois discours de Mandela,
David Lewis-Williams, L’Art rupestre en Afrique du Sud, Seuil 2003
Renaud Ego, L’animal Voyant, éditions errance 2015
Jacob Dlamini, Askari, a story of collaboration and betrayal in the Anti-Apartheid struggle, Jacana Media 2014
Jacob Dlamini, Native Nostalgia, Jacana Media 2009
Sur les chemins de la préhistoire, l’abbé Breuil, du Périgord à l’Afrique du Sud, Catalogue de l’exposition du musée départemental de Préhistoire d’Ile-de-France, Somogy Editions d’art, 2006

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* (reporté) Jean-François Bayart, Professeur au Graduate Institute (Genève) et directeur de recherche au CNRS.
Présentation de l’ouvrage co-signé avec Ibrahima Poudiougou et Giovanni Zanoletti : L’Etat de distorsion en Afrique de l’Ouest. Des empires à la nation (Karthala, 2019).

Présentation de Jean-François Bayart : Professeur au Graduate Institute (Genève), directeur de recherche au CNRS. Directeur du CERI (Centre de Recherches Internationales) de 1994 à 2000, co-fondateur de la revue Politique africaine qu’il a dirigé de 1980 à 1982, Jean-François Bayart a également fondé la revue Critique Internationale qu’il a dirigé de 1998 à 2003. Spécialiste de sociologie historique comparée du politique, il travaille sur la formation de l’Etat dans le contexte de la globalisation et sur les pratiques de subjectivation politique, en particulier en Afrique sub-saharienne, en Turquie et en Iran.

Ouvrage présenté : L’état de distorsion en Afrique de l’Ouest. Des empires à la nation (Karthala, 2019).
Les classes politiques africaines ont choisi, au lendemain des indépendances, de reproduire le cadre territorial hérité de la colonisation et ont entériné le principe de l’État-nation. Ce dernier contredit la plupart des ressorts politiques, économiques, culturels des sociétés africaines. Mais il a aussi fait l’objet de processus d’appropriation souvent massive, et toujours créative, de la part de l’ensemble de leurs acteurs.
Cette double réalité rend insuffisantes la plupart des interprétations qui mettent l’accent sur des contradictions supposées insurmontables entre un État hérité de la colonisation et les sociétés du cru, sous la forme d’un jeu à somme nulle. Les choses sont en fait plus compliquées. Car les régimes de légitimité, de sécurité, de responsabilité sociale, d’enrichissement, de représentation culturelle et politique du « bon gouvernement » participent simultanément de ces deux dimensions historiques, d’espaces différents, de durées disparates qui s’encastrent les unes dans les autres plutôt qu’elles ne se succèdent.
Cette distorsion inhérente aux sociétés africaines contemporaines est source d’ambivalence, plutôt que d’ambiguïté comme le pensaient Cheikh Hamidou Kane et Georges Balandier. Elle rend problématique l’institutionnalisation d’une gouvernance de la transparence, et tend à inscrire la compétition politique, l’accumulation de la richesse et la lutte sociale dans l’ordre de la violence.

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* (reporté) Kako Nubukpo,  Doyen de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’Université de Lomé au Togo ; Ministre auprès de la Présidence de la République Togolaise, Chargé de la Prospective et de l’Evaluation des Politiques Publiques (2013-2015).
Titre de l’intervention : “les défis économiques de l’Afrique au XXIe siècle”.

Kako NUBUKPO est Doyen de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’Université de Lomé au Togo. Directeur de l’Observatoire de l’Afrique Subsaharienne à la Fondation Jean Jaurès à Paris, Chercheur au Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), Membre du Conseil Scientifique de l’Agence Française de Développement et Membre du Conseil d’Administration de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM), il est chercheur associé au Centre de Recherches Internationales (CERI) Sciences Po Paris.
Ancien Directeur de la Francophonie Economique et Numérique au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à paris (France), il a été Ministre auprès de la Présidence de la République Togolaise, Chargé de la Prospective et de l’Evaluation des Politiques Publiques (2013-2015).

Agrégé des Facultés de Sciences Economiques, Kako NUBUKPO est Professeur Titulaire des universités membres du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES). Il est également membre du Global Economic Governance Programme des universités d’Oxford (Grande Bretagne) et de Princeton (Etats-Unis d’Amérique).

Il est l’auteur de plusieurs articles dans des revues scientifiques en sciences économiques et de trois ouvrages :

  • « L’urgence africaine : changeons le modèle de croissance », Editions Odile Jacob, Paris, Septembre 2019, 236P.
  • « L’Improvisation économique en Afrique de l’Ouest : du coton au franc CFA », Editions Karthala, Collection « Les Afriques », Paris, 2011, 137P.
  • « L’insécurité alimentaire en Afrique Subsaharienne : le rôle des incertitudes », Editions l’Harmattan, collection « Bibliothèque du Développement », Paris, 2000, 212P.

Enfin, il a codirigé la publication de deux ouvrages :

  • « Sortir l’Afrique de la servitude monétaire : à qui profite le franc CFA ? », Editions La Dispute, Paris, Octobre 2016, 242P.
  • « L’Envol de l’épervier : le défi de l’émergence togolaise », Editions Graines de Pensées, Lomé, Décembre 2016, 295P.

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* 27 avril, en hors programme, un débat autour du film Black Panther et de l’ouvrage Super-Héros, une histoire politique (Libertalia, 2018), avec son auteur, William Blanc.