Il n’est peut-être pas de question plus ancienne, et en même temps de problème plus actuel que celui des rapports entre pouvoirs et religions. Tel sera le thème de nos conférences de l’année 2024-2025 qui a été choisi après consultation de nos adhérents.
Question actuelle, disons-nous, et, sans doute, à l’échelle de la France beaucoup plus actuelle qu’il y a un demi-siècle. On peut situer le tournant dans les années 1980, moment où, comme l’écrit Patrick Weil, « le modèle républicain laïque d’intégration nationale est questionné par l’émergence de l’islam dans un contexte de développement de la diversité culturelle », qu’elle soit religieuse ou non religieuse. Et, bien sûr, par la suite, le surgissement ou la résurgence dans nos sociétés, en principe modernisées, de formes de violence radicale se réclamant de la religion ont frappé tous les esprits.
Selon le principe qui nous anime à Nantes Histoire, il convient de situer cette actualité, qui ne sera pas éludée, dans une réflexion sur la profondeur de l’Histoire, en variant les angles d’approche, les cas de figure, les civilisations, les aires géographiques. Nous y sommes aidés par l’appel aux meilleurs spécialistes qui nous font l’honneur et l’amitié de diffuser auprès de nous les résultats de leurs recherches et de leur réflexion.
La dualité entre pouvoir et religion, entre chef et chaman, est peut-être présente depuis l’origine de l’humanité. Elle est rarement simple et univoque. Certes, politique et religion peuvent-elles converger et s’unifier dans une figure royale ou prophétique pour créer ou soutenir un empire. Mais c’est le plus souvent la distinction des pouvoirs temporels et spirituels qui marque l’histoire. Bien sûr, les intérêts sont en principe réciproques, le pouvoir temporel ayant besoin d’être sacralisé, et le spirituel protégé. Mais on constate souvent des ruptures d’équilibre. Soit que l’institution religieuse cherche à dicter leur conduite aux princes, pour convertir, lutter contre l’hérésie, voire soutenir des guerres de religion. Soit inversement que les autorités temporelles, avec leur politique anglicane, ou gallicane, entendent gouverner, pour le moins contrôler et instrumentaliser la religion au service de l’État. Les deux images de couronnement que nous avons choisies pour illustrer notre flyer pourraient suggérer deux rapports de pouvoir inverses : à la soumission de Charlemagne à l’Église, telle qu’elle est représentée dans une image rétrospective du XIVe siècle, s’oppose le défi que semble lancer Napoléon au pape en posant lui-même sur sa tête la couronne impériale.
Aux symbioses, même conflictuelles, qui dominent de l’Antiquité aux Temps modernes, s’ajoutent dans la période contemporaine des prises de distance avec différents seuils de laïcisation, concordats tournant parfois aux « discordats », séparations pas toujours à l’amiable : aux convictions et aux passions religieuses peuvent alors s’opposer des convictions rationalistes, des passions anticléricales, voire des politiques antireligieuses. Un consensus sur la laïcité, la garantie de la liberté de conscience et de culte, la séparation et l’indépendance du temporel et du spirituel, semble, au moins en France, dominer désormais, malgré les questionnements qu’apporte le temps présent à ce modèle républicain. La confrontation avec d’autres cas de figure contemporains, ceux du Mexique, de l’Inde, d’Israël, ou de la Russie, suggère évidemment la complexité et la diversité de la question à l’échelle mondiale.